16 SILENCES HABITES LE LIVRE une introduction

SILENCES HABITES COUVCarnet de voyages

En me lançant dans cette recherche, je savais que je poursuivais la quête de 35 ans de prise de son, mais, je ne m’attendais pas à faire autant de rencontres et à vivre autant d’aventures.

Je sais depuis longtemps que le Silence mérite toute notre attention. Nous savons tous qu’il permet de nous retrouver, de nous rassembler nous-mêmes, mais également d’être à l’écoute de ce que l’on n’entend pas.
Si ces voyages ont été pour moi une réelle expérience esthétique, ils m’ont appris à me transformer, pas à pas, en récepteur. Pendant ces mois où je me suis plongé dans l’écoute de ces fils invisibles qui nous  relient, j’ai rencontré en permanence des passeurs.
J’ai découvert que la lecture de la vie que permet l’écoute silencieuse rassemble des univers aux préoccupations à première vue très éloignées.
Du religieux au cataphile, en passant par l’aéronaute ou l’historienne, tous me décrivent un besoin impérieux de ces moments privilégiés.
Certes, en prenant à bras le corps la question du Silence comme son réel, complexe et différencié, je savais toucher à une espèce de paradoxe ultime. Mais je ne m’attendais pas à ce qu’il sous-tende l’être au monde d’autant de personnes. La question fédère très au-delà de ce que j’imaginais.

Et si cet exercice pouvait paraître à première vue solitaire, il s’est donc  révélé après 3 mois de recherches, être indissociable de la notion de  partage. C’est devenu, pour moi, une certitude aujourd’hui : si le Silence est ce qui nous permet d’être relié au monde, d’en entendre la musique  et les ramifications, les partageurs de Silence sont des passeurs.
Tout comme pour une chasse aux trésors, nous avons besoin d’être  guidés, initiés. Au final, il y aura toujours quelqu’un qui vous aura permis d’être là où vous êtes. Parfois parce qu’il en détient les clefs, mais souvent parce qu’il accepte de vous accompagner. Parce qu’il accepte de partager avec vous ce « territoire » qui est un peu son secret. Même si je me retrouve parfois seul au cours des enregistrements, j’ai été accompagné tout au long du chemin.

Autre découverte ; j’ai rencontré durant ma quête, des lieux qui se sont  révélés encore plus remarquables. Ceux que je me permets d’appeler les « Silences habités ». Etre seul face au Silence peut apparaître d’une  grande beauté et générer une réelle émotion esthétique, mais ce n’est rien comparé à la puissance d’un lieu qui respire la paix et où pourtant  se trouvent présentes d’autres personnes.
Au départ, je pensais me lancer dans une recherche architecturale : donner à ressentir l’acoustique de lieux particuliers. Quelques mois plus tard, je me retrouve à tenter de mettre en ondes les relations des  hommes. Tout comme dans mes déambulations urbaines de Marche et Rêve, cette marche me transforme, ces rencontres me changent.
J’ai été, sous terre, dans les airs, les pieds dans l’eau, devant les fosses  communes de « contre révolutionnaires » massacrés, dans des églises, des bibliothèques, des conduites d’arrivée d’eau, …, à chaque fois  l’émotion est présente. Car à la différence du Silence entendu dans la  nature, ces lieux habités où le silence est présent, sont toujours le fruit d’une réflexion, d’une idée, d’un projet et par-dessus tout : le fruit d’une  incroyable somme de travail.
Tous possèdent des voûtes, des arches, des mesures précises et répétées.  L’acoustique ne souffre pas le hasard. La qualité de la propagation, la  résistance des édifices obéissent depuis toujours à des lois. Ce que me révèlent ces lieux dans un premier temps, c’est le travail des hommes.

Ce qui m’est apparu de plus en plus clairement, c’est que le Silence  de ces endroits révèle le monde. Je commence à toucher du doigt  que faire de l’écoute du Silence une activité consciente permet un retournement comme l’affirmait déjà John Cage. Si le Silence est  le meilleur des sons c’est parce qu’il permet d’en révéler les autres.
En ouvrant cette connexion aux autres sons, il les met en lumière.  L’attention particulière, l’exacerbation des sens que nous mettons en  œuvre lors de l’enregistrement du Silence nous permet de ressentir physiquement le son et par là même de nous sentir relié au monde. Se taire, en commençant par sa voix intérieure, c’est quelque part, essayer d’entrer en résonance. Etre à l’écoute du presque rien, c’est rechercher  le son du tout. Comme le dit Miguel Isaza : « Si nous gardons le Silence,  nous trouvons le Son ».

J’ai pour le moment enregistré 16 lieux majeurs de Paris.  Ce sont ces 16 rencontres que je voudrais vous raconter.

 

Jean-Marc L’HOTEL

janvier 2015

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