Le TOTEM
11 place Nationale PARIS 13 de 14 à 22h
https://iscpif.fr/artex-journee-arts-et-sciences-des-systemes-complexes/
LES VOIX DE LA MER
Le projet « les voix de la mer » est né d’un désir de rencontre entre Cyril Burget, sociologue, plasticien et Jean-Marc L’Hotel, architecte sonore.
Cyril travaille depuis plusieurs années sur les algues, la mémoire des disparus du Chili, avec une technique d’impression sans chimie pour incarner des figures et des corps dans la peau de l’algue.
Jean-Marc s’intéresse à restituer le son de la vie, à la naissance de la parole, à l’écoute du silence.
Tous les deux partagent un présupposé qu’il ne peut y avoir de vie sans échanges et sont à la recherche de la parole naissante dans ce berceau de l’humanité.
Les algues, organismes vivant ultra-sensibles, gardent trace de tout ce qui les touche.
Le fait est constaté dans le cas des rayons lumineux. Mais qu’en est-il des vibrations sonores ?
Leur hypothèse « folle » est de considérer les végétaux marins sensibles au point de développer une espèce de langage. Ils ne prétendent pas cela de manière scientifique. Ils imaginent et rêvent ce phénomène.
Un vaste projet est donc né. Il a pour objectif de proposer des installations sonores et visuelles, où, grâce à un dispositif de Son en Relief, le visiteur pourra être immergé dans l’univers inconnu de l’algue.
L’HISTOIRE DUPROJET racontée par Jean-Marc
Il est des matins où la recherche sur Internet vous met dans un état de transe et de fébrilité qui vous replonge dans les meilleurs moments de votre jeunesse.
Nous pensions être malins, artistiquement novateurs, développant un projet inédit, mais au final, nous nous inscrivons dans l’air du temps. Et c’est logique.
Il faut pour cela revenir à notre débâcle du début décembre. Nous étions allé jusqu’à Roscoff, profitant d’une grande marée pour essayer d’enregistrer avec des hydrophones ce que plus tard nous appellerons le « chant des algues ». Malheureusement ; si au cours d’une grande marée l’eau descend loin, elle remonte aussi très vite, et nous avons échappé de justesse à la noyade de tout notre équipement de prise de son. Les bribes remontées étaient bien trop limitée pour nous permettre d’arriver au résultat que nous espérions.
Aussi, lorsque j’ai découvert sur Internet le document publié sous la houlette de Paulo Felisberto, j’ai bien compris que des scientifiques avaient réalisé des enregistrements qu’avec nos faibles moyens nous n’étions pas en mesure de réaliser à temps, et, je me suis dit qu’il y avait certainement matière à échanger.
Certes l’article parle plutôt de méthode statistique pour mesurer le métabolisme et l’écosystème des flux de carbone sous la mer. Mais nous sentions que nous nous approchions.
Et tout à coup, miracle matinal, je découvre que l’université de l’Algarve mets en ligne ses échantillons. Pas de précipitations, ce sont des fichiers .acust ou .mat mais il y a certainement des données sonores cachées derrière tout cela.
Je continue donc la visite des sites et des contributions de tous les participants au projet Seagrass pour lequel des enregistrements sous-marin ont été réalisés au large de la baie de Calvi.
Et c’est comme cela, qu’après avoir fait le tour du monde de la toile, j’arrive à Liège et découvre les approches de Sylvie Gobert et de Willy Champenoix.
Leur lecture est pour moi la révélation que nous sommes bien sur le même terrain.
Ils ne disent pas : « méthode analytique pour mesurer la production de CO2 » (ce qui serait déjà en soit, sur le plan artistique, est une immense porte ouverte sur l’imaginaire…). Non, Ils disent « Ecouter les herbiers de Posidonies »
Ce sera très exactement le fil conducteur de notre recherche.
Pour ce projet « sea grass experiment » des salves de fréquences glissantes ont été enregistrées à différentes profondeurs. Nous sommes partis de là.
Je me suis alors attelé à un travail de « copiste ». J’ai coupé et retiré toutes les salves de son injectées dans le milieu marin, pour ne garder que les « silences de la mer », les chutes en quelque sorte. Et cette matière unique s’est révélée d’une incroyable beauté.
J’ai travaillé cette matière comme un sculpteur, en donnant des coups de burin, en étirant, en malaxant, cette pâte de manière à la faire résonner. Tous les sons que vous entendez proviennent uniquement des enregistrements réalisés.
Et, à la fin de mon processus de révélation, des stridences, des émergences sont apparues, comme autant de variations de cette matière primaire, à priori sans relief. Rien n’a été rajouté. Tout est là, enf-ouïe, presque inaudible.
Mon travail consiste à faire émerger ces mondes inconnus, à entendre le son du vivant.
Et là nous sommes tombés sur ce qui pour nous est apparu comme une espèce de découverte.
J’ai utilisé le son des micros d’abord placés à 1m, puis ceux à 2m, puis à 3, pour tenter d’entendre ce qui ce passait durant cette descente jusqu’à 5m.
J’ai utilisé les mêmes réglages d’effets sur la totalité du montage.
Et là, surprise ; sur une photographie de ma bande son, il y a plus d’amplitude, plus de variations, plus de richesse sonore potentielle à mesure que nous nous rapprochons des herbiers.
Nous en avons parlé avec des plongeurs du muséum qui estiment cela parfaitement conforme à leur expérience : plus ils descendent, plus il y de richesse sonore, plus il y a de vie. Le son n’est pas à la surface, mais au fond.
C’est là que je tente une deuxième hypothèse, onirique qui nous rapproche avec Cyril.
Et si les algues, qui ont été touchées par les vibrations sonores des salves, en gardaient un peu la mémoire pour les « relâcher » à un autre moment. Comme si ces êtres vivants qui agitent le fond de leur grands bras, avaient réussi à garder prisonnier quelques instants le son qui les avait touché.
Rien de « carrément » scientifique dans cette proposition, mais la certitude que la véracité d’un milieu écologique se mesure essentiellement à la qualité des vibrations sonores qu’il produit. Même si elles sont inaudibles ou invisibles. Si il n’y a pas de son, pas de possibilité de faire résonner quelque chose, il n’y a pas de vie. Ce n’est plus une mesure uniquement quantitative, mais qualitative.
C’est là notre hypothèse : le son comme révélateur de la bonne santé d’un milieu, la création sonore comme révélateur de qualité.
Cyril Burget
Jean-Marc L’Hotel
Nous tenons à remercier les scientifiques qui nous ont apporté leur extraordinaire concours. Leur enthousiasme suscite une formidable synergie créatrice.
Accompagnent déjà, des chercheurs comme :
– Myriam Valero, Directrice de recherche au CNRS de l’Unité mixte internationale de Biologie évolutive et écologie des algues de la Station Biologique de Roscoff.
– Line Le Gall, Maître de conférences au Muséum National D’Histoire Naturelle,
Chargée de conservation des Microalgues de l’Herbier National au M.N.H.N.
– Jérôme Sueur, Maître de conférences au M.N.H.N. qui facilite l’accès à quelques trésors scientifiques.
– Camille Desjonquère qui vient de soutenir une thèse sur : Ecologie et diversité acoustique des milieux aquatiques.
– Paulo Felisberto et l’équipe de l’Université de l’Algarve qui ont enregistré à plusieurs reprises les herbiers de Posidonies.
– Sylvie Gobert, Docteur en Sciences et présidente du Laboratoire D’Océanologie Biologique de l’Université de Liège.
– Willy Champenois qui, dans sa thèse, souhaite écouter les herbiers de Posidonies.
Mais également de grands preneurs de son sous-marin, qui offrent leur concours.
– Angelo Farina, qui a été le tout premier à effectuer des prises de son sous-marines en ambisonique.