NUIT BLANCHE 2011 PARIS
La carrera 7a traverse le centre historique de Bogotá pour remonter ensuite jusqu’au nord de la ville. Depuis plus d’une quinzaine d’années, de nombreuses allées et venues quotidiennes sur ce tronçon de la Séptima, entre la Macarena où je loge et la Candelaria où se trouve théâtre où nous jouons, m’ont rendu familier de la vie qui s’y concentre et s’y déploie, reflet d’une Colombie dont la population à la fois bouge et préserve son identité.
Dans ce lieu menacé par la modernisation existe encore « on ne sait quoi » de la vie urbaine qui disparaît des autres villes, des autres quartiers. Ont disparu peu à peu les gigantesques embouteillages de busetas relayées par le Transmileño, le marché des émeraudes sur le trottoir au carrefour de la Jimenes, la violence de la sortie des bars étouffée par le couvre-feu précoce, les bandes de gamines, devenus les ñeros fantômes nus des rues… Toutes choses obnubilantes pour un parisien, d’ailleurs pris pour un gringo, mais pas plus que les vendeurs de minutes de téléphone celular, les charrettes débordantes de fruits inconnus, et l’incroyable convivialité qui ralentit son pas de citadin stressé. Combien de cris, mais combien plus de silences, combien de regards en tous sens, combien de courses et de suspens ?
L’envie de filmer cette vie m’est venue avec la peur qu’il ne s’agisse que de retenir en vain de l’eau entre les doigts. Des documentaires sur cette avenue, il y en a déjà plusieurs, aucun ne nous place ici, au milieu de ce flux vivant. C’est lui qu’il faut pénétrer pour que tout ce qui se joue sur ces trottoirs, à l’insu des passants eux- mêmes, souvent de manière ténue, infime, se révèle simplement en créant par le son et l’image, la distance et la proximité qui permettent d’exercer un regard amoureux. (J.Mérienne)
Voir et Dire