La Prise de Son « itinérante et centrée » Acte 2
Les micros Soundfield d’ordre 1
OÙ VA-T-ON ?
Le danger lorsque l’on vous demande de parler d’une technique qui vous tient à cœur, serait de croire que vous avez inventé l’eau tiède.
Soyons clairs, nous sommes les enfants de….
M.Gerzon, D. Malham, M. Leese, D. McGriffy, B. Wiggins, les universités de York, Parme, Brest, Zurich, l’ UQUAM de Montréal, A. Farina, D. Courville, A. Digenis, R.Ellen, P.-A. Gauthier, A. Berry, P.G. Theile, H. Wittek,
La liste est longue. Plus proche de nous :
l’ INA, le GRM, G. Richard, l’IRCAM, A. Baskind, J-M Lyswa, X. Meunier, O. Warusfel, V. Larcher, le CNRS, P. Woloszyn, France Télécom, J. Daniel, R.Nicol, M. Emerit, même les derniers arrivés P. Couprie, B. Duval, B. Franconi
Bref, l’ambisonique a largement été évoquée dans vos forums, ainsi qu’à l’AES. Les chercheurs sont nombreux de part le monde, les vulgarisateurs aussi, les utilisateurs un peu moins.
Faisant partie de cette dernière catégorie, j’ai toujours déploré, cette frontière, ce fossé entre les théoriciens d’un côté, et les usagers professionnels de l’autre.
Alors quelles réponses attendez-vous de moi ?
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- de savoir si cela marche ? St Thomas était un optimiste à côté de vous !
- de savoir si c’est le meilleur système ? Vous ne savez que trop bien que le meilleur des outils c’est celui dont on a l’habitude
- de savoir comment l’utiliser ? Vous maîtrisez tous dans votre domaine, des techniques autrement plus complexes
Que pourrais-je vous apprendre que vous ne sachiez déjà ?
Je peux, en revanche, vous parler de mon travail, partager mon engouement, creuser quelques pistes de réflexions et tenter de vous montrer comment l’utilisation de nouveaux outils a profondément modifié la façon d’appréhender mon métier. Comment la prise de son peut-être vécue comme un acte d’espérance.
J’ai toujours fonctionné par intuitions et je préfère les gens qui doutent à ceux qui ont des certitudes. Je reste donc persuadé que la diversité dans nos techniques de captation est une richesse pour nous tous.
Après avoir voulu faire le tour de la question en réalisant un livre blanc sur la prise de son multicanal, je me suis naturellement orienté vers la technique avec laquelle je me sentais le plus d’affinités.
Mais l’idée du livre blanc demeurera : les outils ne sont que des outils.
Le plus important sera toujours l’émotion que nous sommes capables de créer avec.
Est-ce que je reproche à D. Allman (un des guitaristes les plus poignants) de jouer sur Gibson, moi qui adore les Stratocaster ? Il a juste trouvé le couplage parfait avec une tête basse Marshall
Alors OUI, j’apprécie les recherches de:
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- Bernard Lagnel avec ses systèmes si particuliers mais si compacts
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- Florian Camerer qui cherche à chevaucher les grands espaces
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- Et même Bergam Perriaux, qui dit tant de mal des systèmes ambisoniques, à raison de chercher du coté des assemblages de couples ORTF, qui sont les fondements de notre goût à la française
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Chacun connaît les avantages et les défauts de ses outils, et quand il réussit à les maîtriser, il sera même capable de tirer parti des défauts.
Je vais donc expliquer :
- ce qui me séduit dans les outils en format B
- comment se regroupe la famille ambisonique
- quel usage nous pouvons faire de la puissance de ces outils
Pour moi: L’AMBISONIQUE EST UNE RÉPONSE SIMPLE A DES PROBLÈMES COMPLEXES
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- I) LES CRITÈRES SPÉCIFIQUES DE LA PRISE DE SON AU SOUNDFIELD
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L’avantage avec le son multicanal, c’est que nous pouvons conserver tous les enseignements hérités de la prise de son stéréophonique.
On peut donc tirer une ligne entre précision / localisation et esthétique / largeur de l’image et y placer son système de captation favori.
Chacun choisit sa place
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- a) PERMETTRE D’ADOPTER UN POINT DE VUE
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C’est un leitmotiv chez moi: cette nécessité de faire des choix. Cela reste dans la lignée de ce que j’avais déjà abordé, ici, l’année dernière ; l’impérieuse nécessité d’adopter un point de vue.
« Ce n’est pas le sujet qui fait une photographie, mais le point de vue du photographe » A. Kertész
Dans mon travail en monophonie, je cherchais à venir au contact des choses. Un combat permanent pour attraper le texte des comédiens. La captation multicanal m’a fait évoluer.
L’année dernière, je terminais mon exposé en vous disant que :
« Je militais pour l’adoption de points de vue dans les captations sonores. Car pour pouvoir être transporté, il faut bien avoir des indications de directions vers où aller.
Une des pistes pour créer de l’illusion, de l’émotion, est la restitution d’espaces cohérents ».
Je milite toujours pour une écoute active du spectateur.
Et je terminais en disant que «mes réalités, même avec leurs scories, étaient plus belles que les fantasmes. Parceque j’y retrouvais de gros morceaux de vie dedans»
Après le retour de la notion de plaisir dans notre pratique professionnelle (formulation que nous avons tentée avec Klaus Blasquiz), je vais essayer de mettre en avant l’importance de l’humain dans nos prises de son.
De fait, nous enregistrons qui nous sommes. Et je vais même tenter une approche radicale : montrer que la prise de son ambisonique est plus qu’une technique; c’est une attitude.
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- b) ETRE AUTONOME
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Les systèmes que j’utilise doivent pouvoir être transportés à l’aide de mes 2 bras et bouger grâce à mes 2 jambes. Et se passer, un long moment, d’alimentation électrique. Cette notion d’autonomie est, pour moi, un préambule incontournable. Car mon travail me demande de me déplacer à pied durant de longues heures, d’être au milieu des gens, de manger avec eux, de prendre le métro avec eux.
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- c) ETRE A L’ECOUTE, C’EST ETRE DISCRET
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Parce que nous voulons être à l’écoute du sens des choses.
Parce que nous cherchons à capter les sons les plus authentiques possibles.
Nos outils se doivent d’être aussi discrets que possible.
Nous ne devons pas oublier un autre préambule de notre formation :
« tout capteur de vibrations, à fortiori quand nous sommes présents à côté de lui, modifie la nature même du milieu qu’il cherche à capter »
Ne pas être un obstacle à la propagation des sons a été le point de départ de la fabrication des micros statiques.
Est-ce que la prise de son multicanal peut battre en brèche cette certitude ?
Je vais un peu faire dans le lyrique, mais je pense que la prise de son ambisonique doit être entendue comme un art martial.
Ce n’est pas un hasard si nos outils utilisent constamment les termes de forces, de composantes, d’axes, d’énergie, de cohérence.
Être au centre des choses, ce n’est pas être le centre des choses
Pour écouter l’énergie qui nous entoure, la capter, la restituer, nous devons progressivement appartenir à ce que nous enregistrons
Nous dépassons largement le stade du field recording. Je tente de formuler le terme d’« immersive recording » car c’est pour moi la quintessence, l’aboutissement d’une vie de preneur de son. Plus jeune, j’adorais les semi-canons et leur précision sculpturale, puis j’ai appris à m’arrondir, à apprécier les prises de son omnidirectionnelles au point de passer naturellement à la prise de son enveloppante. Mais ce n’est pas moi qui enveloppe; c’est moi qui suis enveloppé.
Je ne sélectionne plus. Je n’interviens plus. J’essaye juste d’écouter le cœur des choses.
Réussir ainsi à réaliser ce que l’ambisonique a toujours rêvé de faire : inscrire une sphère (moi) dans un cube (le monde)
A l’arrivée, nous enregistrons ce que nous sommes, nous enregistrons qui nous sommes, dans l’espace que nous captons. C’est tout notre être qui transpire dans nos enregistrements.
La plus grande leçon que j’ai apprise de mes derniers tournages de documentaire en ambisonique, c’est de ne pas chercher à ce que la réalité soit conforme à notre imagination, d’accepter de se laisser totalement surprendre, en permanence.
« Savoir réfléchir c’est bien, mais c’est mieux de regarder et c’est encore mieux de regarder sans réfléchir !!! » A. Kertész
Imaginer que ce qui est inconnu soit d’une grande beauté est une attitude beaucoup plus complexe qu’il n’y parait.Cet « abandon » oblige paradoxalement à une attention permanente. Être totalement disponible demande une grande concentration. Sans elle, nous nous laissons aller inévitablement à nos automatismes. Très souvent nous essayons d’analyser ce qui est nouveau par rapport à ce que nous connaissons, pour tenter une classification: j’aime / je n’aime pas, qui se résume malheureusement trop souvent à : je connais / je ne connais pas. Être à l’écoute est toujours un acte plein d’espoir. Ce n’est plus la question du choix de tel ou tel outil, c’est vivre son travail comme une attente; en se disant constamment que le meilleur est peut-être à venir.
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- d) INDÉPENDANCE VIS À VIS DES SYSTÈMES DE
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Cela a l’air d’une évidence, mais il est parfois bon de remettre les choses dans le bon sens.
Ce n’est pas la moindre des qualités de l’ambisonique que de nous permettre de réaliser tous les rendus sonores, à partir des mêmes fichiers de base. Le même fichier de la mono à la diffusion 8, en passant par le 7.1 et le surround, trop beau pour être vrai? Non, simple retournement de la problématique de corrélation symétrique entre le nombre d’enceintes et le nombre de micros.
Après cet exposé je vais tenter de passer une création sonore de 6′ dans un système de diffusion que je ne connais pas, avec mes fichiers en format B et tenter un décodage.
e) UNE APPROXIMATION AGREABLE
Bien que l’ordre 1 soit une approximation de la réalité
Bien que l’ordre 3 soit théoriquement beaucoup plus abouti, il ne peut pour l’instant répondre à aucun des critères d’autonomie et de discrétion. Et surtout, ce qui pour moi est beaucoup plus important, il ne me procure pas pour l’instant une émotion artistique plus grande. Il ne faut pas oublier que le juge ultime est la capacité d’un enregistrement à nous faire hérisser les poils sur nos bras.
Voilà donc, à mon sens les 5 qualités fondamentales des systèmes de type Soundfield. Loin de moi, l’idée de dire que ce sont les seuls systèmes à les posséder.
Nous verrons dans la 3 ème partie, que l’industrie, qui va rapidement avoir besoin de manipuler l’espace sonore, va, de façon massive, utiliser des techniques similaires ou approchantes. Reconnaissons toutefois aux systèmes ambisoniques leur caractère précurseur.
- II) LA NEBULEUSE
- a) LA GENESE
Il y a ceux qui marchent devant nous et aussi ceux à qui nous devons notre passion.
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- aucun rapport avec le format B, mais c’est lui qui m’a ouvert les portes de sa caverne d’Ali Baba : J-M. Duchenne, qui nous a offert ses acousmodules. C’est lui qui nous a donné les directions pour trouver nos propres solutions et fabriquer les outils dont nous avions besoin. Cela a été le premier à avoir l’intuition de ce qui nous différenciait tous les deux : la prise de son « centrée »
- D.Courville parce qu’il a réussi, non seulement à formuler ce que nous sentions confusément, mais, il nous a donné l’envie d’expérimenter par nous même. Aujourd’hui nous avons réussi enfin à amener à bon port un mixage en format B et en relief sonore
- J. Daniel qui a marché loin devant nous, formulant, théorisant, expliquant. C’est lui qui nous a fourni les éléments intellectuels indispensables. La plus grande partie de ce que nous savons provient de ses recherches et publications. C’est, pour moi, une extrême désolation, que de le savoir aujourd’hui à « pisser des lignes de code »
- Et puis il y a vous messieurs les organisateurs, qui avez mis en place un lieu formidable d’échange où beaucoup apportent et offrent aux autres le fruit de leur travail. Vous avez réussi à créer une espèce de grande famille, avec tout ce que cela comporte.
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- b) LA FAMILLE
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Justement parlons-en. L’ambisonique, parce que tout ou presque est maintenant dans le domaine public, ne peut se concevoir que comme une famille. Comme dans toutes les familles, dès qu’il est question d’argent, il y aura toujours un lointain cousin pour tenter de braquer l’héritage. C’est un relatif problème car l’ambisonique, de par la complexité et l’interpénétration des différents savoir faire à mettre en œuvre, ne peut-être que un format généreux. Puisque personne n’est propriétaire de grand chose, il faut, pour être fort, mettre en commun. La famille ambisonique, ce sont des bouts qu’il faut rassembler. Le format B c’est une technique, certes, mais aussi un état d’esprit. Prendre conscience et accepter, d’être un maillon dans une chaîne. C’est pour cette raison que je continue de penser que la formation du POPA (Petite Organisation des Pratiquants Ambisoniques) est sûrement une nécessité.
III) DES POSSIBILITES DE CREATION ILLIMITEES
Cela a été une des raisons d’être du groupe Z (ou Zorglub) que j’ai initié, dans la nébuleuse du format B nous voulons nous concentrer sur les possibilités de créer et de manipuler du son en relief. C’est pour l’instant un regroupement d’énergies avec des membres aux capacités créatrices très étendues.
Nous cherchons à mettre en œuvre des outils qui nous ressemblent. Car malgré la relative complexité du puzzle à assembler, nous restons persuadés que, c’est une des rares techniques à nous permettre de la faire de façon simple et économique; c’est à dire, à partir de nos ordinateurs personnels.
Pourtant, nous sentons bien qu’il est en train de se passer quelque chose. L’industrie est en train de vouloir s’intéresser à la manipulation des espaces sonores. Et quand la vague va nous submerger, certains qui travaillent sur ces questions depuis plus de 15 ans, auront raison d’avoir un petit sourire devant notre scepticisme, devant nos atermoiements et notre volonté récurrente de vouloir, mille et une fois, faire des écoutes comparatives.
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- a) LA VÉRITÉ EST (PEUT-ÊTRE) AILLEURS
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Comme nous le disions déjà aux 2 èmes Rencontres de la Création Sonore, l’avenir des utilisateurs de format B n’est peut-être pas dans le cinéma ou la télévision.
Trop d’inertie, trop de frilosité, trop d’apriori, trop d’égos.
Est-ce que l’on doit s’en désoler; NON. Cela nous ouvre les portes de toutes les autres disciplines artistiques
C’est un des objectifs du groupe Z (ou Zorglub) que de collaborer avec les photographes, les plasticiens, les scénographes, les enfants des écoles, bref tous ceux qui souhaiteraient réellement manipuler du son.
Nous pensons généralement que le but de notre métier serait de capter afin de rendre le plus fidèlement possible. C’est à la fois une utopie et un contre-sens.
Une utopie, car tout autant qu’un photographe ou un journaliste, nous interprétons ce que nous transcrivons.
Un contre-sens, car l’industrie du cinéma à besoin d’éléments simples pour composer un monde virtuel, et nous, nous leur proposons des éléments complexes, même si ils sont isolables à l’envie.
Mais plus que tout, il va falloir faire exploser le cadre dans lequel s’organisent les productions cinématographiques. Comme je le disais l’année dernière:
− il va falloir travailler plus. Ce n’est pas forcément un problème, sauf que ce travail ne sera pas complètement rétribué.
− il va falloir que le preneur de son ambisonique devienne monteur son, mais aussi co-mixeur pour que son travail ait un sens.
L’ambisonique dans l’audiovisuel, c’est un peu le passage du montage sur bande au montage numérique.
Aujourd’hui, tout le monde cherche des solutions simples qui feraient gagner du temps (ah la belle affaire), et heureusement nous ne pouvons les proposer. En revanche nous avons entre les mains des outils qui nous permettent des manipulations spectaculaires. Nous possédons des micros virtuels.
Nous ne gagnons pas du temps; nous ouvrons le champ des possibles.
J’ai vu par exemple Jérôme Daniel faire des choses extraordinaires avec ses outils HOA.
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- b) LA MANIPULATION DES ESPACES TRIDIMENSIONNELS
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Nous venons de mixer avec Dorian Darcourt un film documentaire en format B chez Yellow Cabs. Et nous avons essayé de pratiquer ce piano à 4 mains.
Est-ce que quelqu’un fournit au mixage des M/S transformés en G/D à 50 /50? Non, bien sur, ce serait un contre-sens par rapport à la M/S
Pour l’ambisonique c’est la même chose, tout l’intérêt réside dans les choix possibles.
A l’intérieur d’un mixage comportant des éléments mono / stéréo / 5.1 discrets, on peut concevoir que le co-mixeur ne s’occupe que de la gestion de la taille et de la forme des ambiances ambisoniques. Cela représente une tâche à part entière durant les séances. Qui va s’en occuper ?
Pour le moment, nous butons encore sur le développement incomplet de nos outils. Essayez, par exemple, de rappeler des presets de différentes configurations de directivités de micros de SurroundZone dans Nuendo 5 et vous m’en direz des nouvelles.
C’est en cela, que le développement du POPA prend un sens : pousser les fabricants à développer les outils dont nous avons besoin, ou les fabriquer par nous même.
Je lance la liste, aux autres de la compléter
- rappel de snapshots de SurroundZone dans Nuendo
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- acceptation et développement par Soundfield des bonnettes de CINELA pour le ST 350
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- acceptation et développement par Soundfield d’un plugin de décodage 3D
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- finalisation en VST 3 par Arnault Damien de Euphonia de son magnifique plugin de manipulation des composantes du format B
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- …
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On ne va pas se plaindre mais il reste encore du chemin à faire.
- c) CE QUE NOUS SAVONS DÉJÀ FAIRE…
J’ai eu le bonheur de participer à un magnifique projet : capter l’ambiance des villes que traversait le MobilArt CHANEL, les interpréter afin de composer des pièces musicales à partir de cette matière.
Durant cette expérience, j’ai pu mettre en évidence que derrière l’apparente banalité des sons urbains se cache l’incroyable musicalité du mouvement de la vie. Poser un regard acoustique sur les gens, c’est d’abord essayer de capter ces moments où leurs activités cessent d’être du bruit, pour dessiner une organisation, générer des harmonies, marquer des tempi qui sont les fondements même de toute musique. En apprenant à regarder derrière la quotidienneté des sons, on redécouvre une poésie, une richesse insoupçonnée.
C’est cette démarche, à la croisée du documentaire et de l’écriture musicale, pas seulement des ambiances, pas seulement des notes composées; la magie de la musique créée par ces ambiances au travers d’un certain regard, que j’ai essayé de poursuivre dans le film de Françoise Poulin-Jacob: « Je vous écris du Havre… » Qui sera le premier documentaire à pouvoir être écouté en réel relief sonore.
Au début, j’imaginais un travail sur l’architecture.
Arriverais-je à faire parler les murs? Trouverais-je autant d’étonnement et d’exotisme qu’à Hong-Kong ou Tokyo?
Arriverais-je à entendre le frémissement, l’écho des voix, le rythme de la ville, à en percevoir la chorégraphie ?
Le résultat a dépassé mes espérances. J’ai pu mettre en évidence l’influence du béton sur la propagation des sons de la vie, et tenter de répondre à cette chimère :
L’acoustique d’une ville modifie-t-elle le comportement des gens ?
Mais je me suis vite rendu compte que nous faisions également un travail sur la mémoire.
Les questions sont apparues nombreuses :
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- Sommes-nous capables à partir des sons que nous entendons aujourd’hui, de rendre compte de l’histoire passée du Havre?
- Est-il possible, tels des archéologues, d’approcher, à l’aide de fragments, ce qu’a été la vie des gens ?
- Reste-t-il quelque chose, sur le plan sonore, de cette époque révolue?
- Comment évoquer le temps qui passe ?
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Et puis les réponses sont arrivées progressivement, au fil des rencontres.
J’étais intervenu aux journées du patrimoine pour dire que: « la plus grande richesse du Havre; ce sont ses habitants ». C’est grâce aux voix des témoins, des gens croisés dans la rue, des enfants qui jouent, que j’ai commencé à me faire une idée de l’acoustique d’hier.
La force du témoignage de ces gens qui ont vécu la reconstruction, c’est leur puissance émotionnelle. En une seconde, ces voix sont capables de nous transporter dans le passé. Elles possèdent une capacité évocatrice incroyable.
« En photographie, on ne capture pas le temps, on l’évoque. » – B. Plossu
Pour moi le travail sur le son des villes, c’est aussi un travail sur le son des enfants. Il me semble y avoir là quelque chose à la fois d’intemporel et en même temps de parfaitement unique. J’ai pu parfaitement monter l’enregistrement des enfants qui jouent aujourd’hui dans le bassin du commerce du Havre, sur une carte postale du même endroit il y a 40 ans, sans que rien ne paraisse choquant. Et en même temps, nous pouvons reconnaître une ville rien qu’au son de ses enfants. Ce doit être encore une des magies de l’enfance que de pouvoir évoquer le temps qui passe.
Après l’écoute de cette petite création sonore de 6′, je vous donne rendez-vous dans le cadre de la «Semaine du Son», au 6b à Saint Denis, pour une diffusion en Relief Sonore, sur une installation de Alain Parmentier du film: «Je vous écris du Havre… »