Pour la Semaine du Son 2013, je présente à la Gaité Lyrique, une installation sonore artistique inédite 3 heures de programme de 15h à18h, du 15 au 19 janvier 2013.
Un projet « trans-discipline » où se rencontrent l’imaginaire, les arts numériques, la recherche sociologique et la ville de Paris.
Paris est bien loin de se cantonner aux clichés convenus, perpétués par le cinéma.
Certes, il y a indéniablement un « charme à la française », une mémoire, heureusement toujours présente de l’Histoire, mais au-delà des stéréotypes, Paris vibre aussi d’une myriade d’atmosphères sonores. Paris est une Ville-Monde. Cet assemblage est, à la fois, le produit de l’héritage de la République et de la fascination du monde entier pour la découverte de la Ville-Lumière.
Mon souhait est de montrer que Paris est également une Ville qui ré/sonne.
C’est sa tradition, sa force, son avenir.
Chaque ville possède ses fonds sonores, ses bruits particuliers, ses silences, sa musique.
Nous n’avons que peu conscience de ce trésor in/ouïe, enf/ouïe derrière la quotidienneté de la rumeur.
Si, à la suite d’autres, je m’intéresse à la « bande son du quotidien » (*1) c’est parce que, bien entendu, ce genre du monde sonore, longtemps oublié par la culture, recèle un énorme potentiel poétique.
S’intéresser artistiquement aux ambiances urbaines, c’est porter attention à la « forge de l’ordinaire de la culture ». (*2)
Mais, au-delà d’un travail sur « le paysage sonore », je souhaite frotter ma perception à la lumière de la Marche.
« Marcher ne consiste pas tant à se déplacer dans la ville qu’à s’immerger en elle, avec le sol sous les pieds, avec autrui à proximité, avec la rue comme stimulant ». (*3)
Marcher, c’est se rendre disponible aux multiples sollicitations de la ville en se laissant porter et transporter par l’ambiance immédiate.
C’est s’immerger dans sa symphonie, car l’espace urbain sonne, pour ceux qui savent l’écouter.
Si le corps est bien notre « ancrage dans le monde » (*4), la marche est notre ancrage dans la ville.
Elle nous permet :
– de passer d’une écoute repliée à une écoute ouverte
– de s’incorporer dans le flux, c’est-à-dire, de ne plus « être à coté » mais «être avec»
– d’expérimenter le caractère charnel, extrêmement physique de l’écoute déambulatoire
Quitter l’écoute repliée
Il me semble illusoire, même si cela a été pratiqué avec bonheur depuis de nombreuses années de pouvoir rendre compte complètement d’une ambiance en n’excitant qu’un seul plan de l’espace.
Même en s’appuyant sur les incroyables qualités de discrimination de notre appareil auditif, la subtilité et la complexité de la réalité sont difficilement restituées par des systèmes sonores où tout se superpose, où la spatialité est absente.
Si l’ambiance est un «bain» qui nous immerge, une matière qui nous entoure c’est donc une restitution en Son en Relief, dans le Cube pour l’occasion, qui permettra de rendre les émotions ressenties.
« Être avec… »
La marche rapproche, la marche rend proche.
Ecouter la ville qui vous entoure, c’est écouter les gens qui l’animent. L’instance de l’Autre, imprègne l’atmosphère de chaque instant. A travers les explorations urbaines solitaires, c’est la présence de l’humanité de l’urbanité qui est recherchée. C’est le désir d’habiter le monde.
« Être hors de chez soi et pourtant se sentir partout chez soi ; voir le monde, être au centre du monde et rester caché au monde ». (*5)
La Marche comme exercice physique sensible
Tout notre corps capte les vibrations. Des flux sonores traversent notre chair. Des rythmes nous agrippent. Cette dimension sensible, presque charnelle, de l’expérience urbaine met notre corps dans un certain état de tension. Chercher à faire corps avec le monde, suppose un « corps à corps constant avec la matérialité de la ville, avec autrui ». (*6).
Les qualités physiques et sensibles de l’environnement modulent et modèlent notre pas. Nous avons le sentiment de participer à la chorégraphie tactile de la ville lorsque nous avons la sensation de quasiment l’incorporer.
Entendre réellement la ville, c’est prendre conscience de la musique que les gens se mettent à composer ensemble.C’est essayer de capter ces moments où leur activité dessine une organisation, génère des harmonies, marque des tempi qui sont le fondement de toute création sonore.
Aucun musicien ne peut être indifférent à ces vibrations produites par le mouvement de la vie, et ma poésie sonore se nourrit de l’humanité du quotidien. Ma recherche est, non seulement de percevoir ces moments où la musique prend naissance au cœur de la ville mais également d’éprouver comment le corps se charge d’affects et se met à disposition du paysage.
Je diffuserai donc chaque jour de cette Semaine du Son, une composition de 3h, en Son en Relief, interprétations du réel lors de mes déambulations dans les rues de Paris, espérant avoir réussi à partager avec vous cette expérience sensible.
Jean-Marc L’HOTEL / architecte sonore
janvier 2013
(*1) H. Torgue,
(*2) J-F Augoyard
(*3) J-P. Thibaud
(*4) M. Merleau Ponty
(*5) Ch. Beaudelaire
(*6) R. Thomas