Qu’est-ce que l’univers du broadcast peut apprendre des autres univers dans le domaine de la captation multicanal ?
Je fais le métier de chef opérateur son depuis bientôt 30 ans .Afin de rester proche de ma famille, mes premières armes se sont passées du coté de la télévision. J’ai collaboré à la plupart des émissions marquantes de la télévision depuis 20 ans, surtout les directs puisque j’ai toujours considéré que c’était là, la quintessence de la télévision. Il fallait faire vite et bien, çà me plaisait. J’y ai rencontré des gens formidables et il m’en reste quelques souvenirs émerveillés. J’ai toujours porté une grande attention à la qualité et à la cohérence des ambiances.
Il se trouve qu’il y a 2-3 ans j’ai eu des discussions très importantes et très intéressantes avec les responsables des prestataires pour les émissions de direct pour la télévision, concernant l’avenir du métier du métier de Chef Opérateurs Son. Et, nous trouvions que notre façon de travailler était très stéréotypée et que, malheureusement, nous n’avions plus le temps de tester de nouvelles approches. Ces responsables m’ont suggéré de prendre mon bâton de pèlerin son et d’aller voir dans les autres univers professionnels si il n’y avait pas des techniques et des savoir faire dont nous pourrions tirer profit chez les brodcasters.
Comme on me laissait le temps ; je pris la route avec plaisir et décidait de m’attaquer à un domaine plein d’avenir et qui me semblait, assez peu creusé : la captation multicanal.
Je découvrais un domaine immense que je ne soupçonnais pas. Pas complètement vierge loin s’en faut, mais aux possibilités très étendues. J’étais, comme je le disais à Daniel Courville, aussi excité qu’un gamin qui découvre le monde. J’avais l’impression de me retrouver en culottes courtes.
J’ai d’abord rencontré les gens du documentaire. Ils n’étaient, à première vue, pas tellement éloignée des productions pour la télévision … ils étaient toujours fauchés. Mais leur approche était radicalement différente. Au lieu de tenter de faire rentrer un pied de 45 dans une chaussure en 36, ils essayaient toujours de gérer la pénurie en cherchant des solutions astucieuses. C’est à ce moment que je suis tombé sur les sites de J .M. Duchenne, véritable puits sans fin, et dont je garde toujours cette maxime : « pourquoi dépenser plus pour avoir moins bien ? »
C’est à priori un domaine qui me semblait très sensible au mixage multicanal, puisque la diffusion du documentaire est presque toujours assortie de la mise en vente d’un DVD. Et qui dit DVD dit AC3 5.1 ou DTS .Vu le prix où les chaînes achètent les docus, c’est sur qu’il faut tenter de rentabiliser les investissements. Mais malheureusement on me répondait toujours la même chose : « c’est bien joli tes histoires de multicanal, mais çà va nous coûter du pognon…et on n’en a pas » « Faut voir.. » Répondais-je. Je proposais donc avec mon micro de leur livrer classiquement mes ambiances en stéréo, je gardais les fichiers multicanaux, je les travaillais dans mon coin et le jour du mixage, je demandais ½ journée supplémentaire pour remplacer les ambiances stéréo par des ambiances multicanal.
C’est là que nous avons mis au point le protocole pour s’équiper de façon light et économique. On a beaucoup tâtonné, çà été un peu compliqué au début, mais cela fera peut-être l’objet d’une autre communication.
En tout cas le résultat était emballant, les réalisateurs me disaient : « tes ambiances sont magnifiques, on s’y croirait » C’est ce qui me plaisait chez ces gens là : il avaient et ils voulaient un point de vue : mettre le spectateur à une place précise.
Après, je suis allé voir du coté de la fiction. Eux aussi parlent de direct, mais c’est le nom pour les dialogues des comédiens. Ils n’étaient, à première vue, eux aussi pas tellement éloignée des gens de productions pour la télévision …c’était des « religieux ». . Ils avaient 1 ou 2 dieux multicanal qu’ils adoraient et ne voulaient pas entendre parler des autres. Mais eux aussi leur approche était radicalement différente : ils coupaient les dB en 4. « Oui mais la courbe de réponse, oui mais la redondance du signal sur certaines fréquences… » Bref, j’adorais leur purisme .On partait sur les tournages, plein d’allant avec le désir de faire plein de belles choses : faire des captations d’ambiance OCT, enregistrer les IR de nos lieux de tournages, et puis on rentrait en se disant que cela avait été un tournage de folie et que l’on n’avait eut le temps de ne rien faire du tout.
Tout allait bien dans nos rapports Jusqu’au moment ou je leur demandais : »mais pourquoi n’essayez vous pas les micros format B ? » La réponse fut cinglante : « parce que c’est déjà bien assez compliqué comme çà « qui plus est personne ne saura quoi en faire en post production » . Il m’a fallu reprendre mon petit arsenal du parfait monteur son et revenir au mixage remplacer les ambiances stéréo par des ambiances format B décodées.
Avec eux aussi j’ai appris à gérer la pénurie, mais cette fois-ci uniquement des pistes d’enregistrement. Ou l’on faisait des sons seuls et on pouvait utiliser 5 de nos 6 pistes pour les ambiances, ou on faisait des ambiances raccords et là il fallait être « économe » : 3 pistes, c’était bien.
J’ai poursuivi mon pèlerinage et j’ai rencontré des gens qui organisaient des événements. En l’occurrence la fabrication des DVD des défilés CHANEL. En revanche eux étaient vraiment très différents, ils avaient un seul objectif : être les meilleurs. Et pour se faire, sortir les moyens nécessaires à la réalisation de cet objectif. Eux, c’est plus que du direct. One shoot, 20mn, pas de « répets », ouf. On a pu tout tenter, tout essayer : la seule contrainte, comme pour la télévision d’ailleurs: qu’on ne nous voit pas. Là j’ai pu tirer beaucoup d’enseignements et on peut d’autant plus les réintroduire dans les directs pour la télévision, que l’on tourne avec ces même fameux car de direct.
Alors aujourd’hui, fort des expériences de ces différents univers, je peux revenir vers les producteurs de programmes de télévision et leur proposer de tirer profit des savoir-faire des autres métiers de l’audio visuel. « Regardons ailleurs comment cela se passe » . Le problème, c’est qu’entre temps la dizaine de décisionnaires, des solutions techniques, se sont fait une religion et ne veulent plus en démordre. Pourtant, « tout est possible, tout est réalisable » pour peu que l’on s’en donne les moyens. C’est en gros ce qui a présidé à la mise en place du groupe de travail sur la prise de son multicanal autour de Tapages et qui a aboutit au LIVRE BLANC.
Jean-Marc L’HOTEL
Octobre 2007